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<h2 class="calibre1">Chapitre 21</h2>
<p class="calibre2"><i class="calibre3">Je dédie ce chapitre à Pages Books, de Toronto au Canada. De longue date un monument de la terriblement trendy Queen Street West strip, Pages se situe à quelques pas de la bonne vieille librairie Bakka où j’ai travaillé. Nous autres de Bakka étions ravi d’avoir Pages en bas de la rue. Ce que nous étions à la Science-Fiction, ils l’étaient à tout le reste: documents amoureusement choisis représentatifs de ce qu’on ne trouverait jamais ailleurs, le genre de choses dont on n’a pas conscience qu’on le cherchait avant de l’avoir sous les yeux.<br class="calibre4"/>Pages a aussi l’un des meilleurs rayons d’actualités que j’aie jamais vus, des rayonnages et des rayonnages de magazines et de fanzines incroyables du monde entier.<br class="calibre4"/>Pages Books: 256 Queen St W, Toronto, ON M5V 1Z8 Canada +1 416 598 1447</i></p>
<p class="calibre2">On m’a alors laissé dans la salle seul avec Barbara, et j’ai utilisé la douche qui fonctionnait pour me rincer — j’ai soudain eu honte d’être couvert d’urine et de vomi. Quand j’ai eu fini, Barbara était en pleurs. « Tes parents », a-t-elle commencé. J’ai eu la nausée de nouveau. Mon dieu, mes pauvres parents. Ce qu’ils avaien dû traverser.<br class="calibre4"/>- Ils sont ici ?<br class="calibre4"/>- Non, dit-elle. C’est compliqué.<br class="calibre4"/>- Quoi ?<br class="calibre4"/>- Tu es toujours en état d’arrestation, Marcus. Comme tout le monde ici. Ils ne peuvent pas simplement débouler ici et ouvrir grand les portes. Tout le monde va passer par le système de justice criminelle. Ca pourrait prendre, enfin, ça va prendre des mois.<br class="calibre4"/>- Je vais devoir rester ici pendant des mois ?<br class="calibre4"/>Elle a pris mes mains dans les siennes.<br class="calibre4"/>- Non, je pense qu’il va y avoir une audience préliminaire et que tu seras relâché sous caution assez vite. Mais assez vite, c’est relatif. Je n’espèrerais pas qu’il se passe quoi que ce soit aujourd’hui. Mais ça ne se passera pas comme à la manière de ces gens-là. Ca sera humain. Il y aura de la vraie nourriture. Pas d’interrogatoires. Ta famille te rendra visite. Mais ce n’est pas parce que le DHS est hors du coup que tu peux juste sortir d’ici. Ce qui s’est passé, là, c’est que nous nous sommes débarassés de la version démente du système judiciaire qu’ils avaient institué, et que nous avons rétabli l’ancien système. Celui qui a des juges, des procès publics et des avocats. Donc nous pouvons essayer de te faire transférer à terre dans un centre de détention pour jeunes, mais Marcus, ces endroits ne sont pas drôles. Vraiment, vraiment pas drôles. Ca pourrait être le meilleur endroit où attendre que tu puisses sortir sous caution.</p>
<p class="calibre2">Sous caution. Bien sûr. J’étais un criminel — je n’étais pas encore inculpé, mais il y aurait sans aucun doute bien assez de chefs d’accusation qu’ils pourraient inventer. Il était pratiquement devenu illégal d’avoir des pensées impures à l’égard du gouvernement. Elle m’a serré les mains:<br class="calibre4"/>- “C’est pas drôle, mais c’est comme ça que ça va se passer. L’important, c’est que c’est fini. Le gouverneur a expulsé le DHS de l’Etat et fait démanteler tous les points de contrôle. Le procureur général a émis des mandats d’arrestation pour tous les fonctionnaires impliqués dans les “interrogatoires sous pression” et les détentions secrètes. Ils vont aller en prison, Marcus, et c’est grâce à ce que tu as fait.</p>
<p class="calibre2">Mon esprit était engourdi. J’entendais les mots, mais je n’en comprenais pas le sens. D’une certaine façon, c’était fini, mais ce n’était pas fini.<br class="calibre4"/>- “Écoute”, a-t-elle dit: “il nous reste probablement une ou deux heures avant que l’ordre ne se rétablisse, qu’ils ne reviennent et qu’ils ne t’emmènent. Qu’est-ce que tu veux faire ? Une promenade sur la plage ? Déjeuner ? Ces gens avaient une cantine incroyable — nous l’avons prise d’assaut en entrant. Menus gastronomiques et tout.</p>
<p class="calibre2">Enfin une question à laquelle j’avais une réponse.<br class="calibre4"/>- Je veux retrouver Ange. Je veux retrouver Darryl.<br class="calibre4"/>J’ai essayé d’utiliser un ordinateur pour avoir leur numéro de cellules, mais il demandait un mot de passe, et nous en avons été réduits à écumer les couloirs en criant leurs noms. Derrière les barreaux des portes, les prisonniers nous répondaient en hurlant, ou pleuraient, nous suppliaient de leur ouvrir. Ils ne comprenaient pas ce qui venait de se passer, n’avaient pas vu leurs anciens geôliers conduits sur le quai avec des menottes en plastique aux poignets, escortés par les équipes d’intervention de la police californienne.<br class="calibre4"/>- “Ange !”, hurlais-je, “Ange Carvelli! Darryl Glover! c’est moi, Marcus!”</p>
<p class="calibre2">Nous avions parcouru toute la longueur du bloc de détention et ils n’avaient pas répondu. J’avais les larmes aux yeux. Ils avaient été déportés à l’étranger — en Syrie, ou pire. Je ne les reverrais jamais. Je me suis effondré contre un mur, mon visage dans les mains. J’ai revu le visage de Coupe-à-la-Serpe, revu son rictus ricanant quand elle m’avait demandé mon mot de passe. C’était son oeuvre. Elle irait en prison, mais ça n’était pas suffisant. J’ai pensé que quand je la reverrais, je la tuerais. C’est ce qu’elle méritait.</p>
<p class="calibre2">- “Hé, Marcus !” a dit Barbara, “Allez, ne désespère pas. Il y en a d’autres par là, viens.”<br class="calibre4"/>Elle avait raison. Les portes des cellules que vous avions dépassées étaient de vieilles antiquités rouillées qui dataient de la construction de la forteresse. Mais tout au bout du couloir, entre-ouverte, il y avait une porte moderne de haute sécurité, épaisse comme un dictionnaire. Nous l’avons tirée et nous sommes aventurés dans la pénombre du couloir qu’elle défendait. Il y avait là quatre autres portes de cellules, des portes munies de codes barre. Chacune avait une serrure à verrouillage numérique avec un petit clavier.<br class="calibre4"/>- “Darryl” ai-je lancé, “Ange ?”<br class="calibre4"/>- “Marcus ?” C’était Ange, qui m’appelait de derrière la porte la plus éloignée.<br class="calibre4"/>Ange, mon Ange, mon ange.<br class="calibre4"/>- “Ange ! C’est moi, c’est moi !”<br class="calibre4"/>- “Oh Seigneur, Marcus !” Elle s’est étranglée, et nous avons fondu en sanglots.<br class="calibre4"/>J’ai martelé les autres portes.<br class="calibre4"/>- “Darryl ! Darryl, tu es là ?”<br class="calibre4"/>- “Je suis là”. La voix était toute petite et rauque. “Je suis là. Je suis vraiment, vraiment désolé. S’il vous plaît. Je suis désolé.” Il avait l’air…<br class="calibre4"/>brisé. En miettes.<br class="calibre4"/>- C’est moi, D”, ai-je dit, appuyé contre la porte. “C’est Marcus. C’est fini, ils ont arrêté les gardes. Ils ont viré le Department of Homeland Security. On va avoir des procès, des vrais procès. Et nous allons pouvoir témoigner contre eux”.<br class="calibre4"/>- “Je suis désolé” a-t-il répondu. “S’il-vous-plait, je suis tellement désolé”</p>
<p class="calibre2">A ce moment, les policiers californiens sont arrivés sur le perron. Leur caméra filmait toujours.<br class="calibre4"/>- “Madame Stratford ?” a dit l’un d’eux. Sa visière masquait son visage et le faisait ressembler n’importe quel flic, plutôt qu’à mon sauveur. Assez comme quelqu’un venu pour m’enfermer.<br class="calibre4"/>- “Capitaine Sanchez”, a répondu Barbara, “nous avons trouvé des prisonniers intéressants par ici. J’aimerais que vous les relâchiez pour que je puisse les examiner moi-même”.<br class="calibre4"/>- “Madame, nous n’avons pas encore les codes d’accès pour ces portes”<br class="calibre4"/>Elle a levé la main:<br class="calibre4"/>- “Ce n’est pas ce que nous avons convenu. Je dois avoir accès complet à cette installation. Ca vient directement du gouverneur, capitaine. Nous ne bougerons pas d’ici avant que nous n’ayiez ouvert ces cellules.<br class="calibre4"/>Son visage était lisse, sans l’ombre d’un tic ou d’une expression. Elle était vraiment sérieuse. Le capitaine avait l’air de ne pas avoir assez dormi. Il a grimacé.<br class="calibre4"/>- Je vais voir ce que je peux faire.</p>
<p class="calibre2">Finalement, ils ont fini par réussir à ouvrir les cellules, une demi-heure plus tard. Il leur a fallu trois essais, mais à la fin ils ont introduit les bons codes, tout en présentant les cartes RFID prises sur les gardes qu’ils avaient arrêtés. Ils sont entrés d’abord dans la cellule d’Ange. Elle portait une robe d’hôpital, qui s’ouvrait sur l’arrière, et sa cellule était encore plus dépouillée que la mienne ne l’avait été — seulement du capitonnage partout, ni évier ni lit, et pas de lumière. Elle a émergé dans le couloir en clignant des yeux, et la caméra de la police a tout de suite été sur elle, projetant sa lumière crue en plein sur son visage. Barbara s’est interposée. Ange a fait un pas hésitant en dehors de sa cellule, en titubant légèrement. Il y avait quelque chose d’anormal dans ses yeux, sur son visage. Elle pleurait, mais ça n’était pas ça.<br class="calibre4"/>- “Ils m’ont droguée, parce que je n’arrêtais pas d’exiger un avocat”<br class="calibre4"/>C’est alors que je l’ai prise dans mes bras. Elle s’est effondrée sur moi, mais elle m’a serrée, elle aussi. Elle puait le renfermé et la sueur, mais je ne sentais pas meilleur. Je voulais ne jamais la lâcher.</p>
<p class="calibre2">A ce moment, la porte de la cellule de Darryl s’est ouvert. Il avait déchiré le papier de sa robe d’hôpital. Il était recroquevillé nu au fond de la cellule, se protégeant de la caméra et de nos regards. J’ai couru à lui.<br class="calibre4"/>- “D”, j’ai murmuré à son oreille, “D, c’est moi. C’est Marcus. C’est fini. Les gardes ont été arrêtés. Nous allons être relâchés, nous rentrons chez nous.” Il a tremblé et a fermé ses yeux de toutes ses forces.<br class="calibre4"/>- “Je suis désolé”, a-t-il chuchoté, et il a détourné son visage.<br class="calibre4"/>Alors, ils m’ont emmené, un flic en gilet pare-balle et Barbara, ils m’ont ramené à ma cellule et ont verrouillé la porte, et c’est comme ça que j’ai passé la nuit.</p>
<p class="calibre2">Je ne me rappelle plus grand’chose du voyage jusqu’au tribunal. On m’avait enchaîné à cinq autres prisonniers, tous détenus depuis bien plus longtemps que moi. L’un d’entre eux ne parlait que l’arabe — c’était un vieil homme, qui<br class="calibre4"/>tremblait. Les autres étaient tous jeunes. Il n’y avait qu’un seul Blanc. Quand nous avons tous été escortés sur le pont du ferry, j’ai réalisé que tous les pensionnaires de Treasure Island étaient d’une teinte de brun ou d’une autre. Je n’avais été dedans qu’une seule nuit, mais c’était déjà trop.<br class="calibre4"/>Il bruinait doucement, le genre de temps qui me font normalement rentrer la tête dans les épaules et baisser les yeux, mais ce jour-là j’ai fait comme les autres, j’ai renversé ma tête en arrière pour contempler le ciel gris infini, bouche bée dans l’humidité piquante alors que nous nous précipitions à travers la baie en direction des quais du ferry. Ils nous ont emmenés dans des bus.<br class="calibre4"/>Patauds à cause des fers, nous sommes montés dans les bus, et ça a pris longtemps pour que tout le monde embarque. Tout le monde s’en fichait. Quand nous en avons eu fini de lutter pour résoudre le problème de géométrie à six<br class="calibre4"/>personnes, une chaîne et une allée de bus étroite, nous avons regardé en tous sens la ville autours de nous, jusqu’à la colline couverte de bâtiments. La seule chose à laquelle je pouvais penser, c’était à trouver Darryl et Ange, mais je n’en voyais aucun des deux.<br class="calibre4"/>Il y avait une foule dense, et nous ne pouvions pas avancer librement à travers. Les policiers qui nous escortaient était relativement prévenants, mais ils étaient tout de même grands, en gilets pare-balles et en armes. J’avais tout le temps l’impression de voir Darryl dans la foule, mais c’était toujours quelqu’un d’autre arborant seulement le même air battu et courbé qu’il avait eu dans sa cellule. Il n’était pas le seul à s’être fait briser.<br class="calibre4"/>Au tribunal, ils nous ont emmenés dans des salles d’interrogatoire. Un avocat de l’ACLU a pris nos identités et nous a posé quelques questions — quand elle est arrivée à moi, elle m’a souri et m’a salué par mon nom — et on nous a emmenés plus loin dans le tribunal, devant le juge. Il portait vraiment une de ces toges, et avait l’air plutôt de bonne humeur. Il semblait que tous ceux qui avaient des membres de leur famille pour payer leur caution sortiraient libres, et que les autres seraient renvoyés en prison. L’avocat de l’ACLU a fait de grands discours devant le juge, réclamant quelques heures supplémentaires le temps que les familles des prisonniers soient raflées et emmenées au tribunal.<br class="calibre4"/>Le juge était plutôt accomodant, mais quand j’ai réalisé que certaines de ces personnes avaient été détenues depuis que le pont avait sauté, comptées pour morts par leurs familles, sans jugement, soumises à l’interrogatoire, à<br class="calibre4"/>l’isolement, à la torture — j’ai eu envie de briser mes chaînes et de les libérer de mes propres mains.<br class="calibre4"/>Quand on m’a présenté au juge, il a baissé son regard sur moi et a enlevé ses lunettes. Il avait l’air fatigué. L’avocat de l’ACLU avait l’air fatigué. Les huissiers avaient l’air fatigués. Derrière moi, j’ai entendu un murmure de conversations soudain quand l’huissier a appelé mon nom. Le juge a frappé de son maillet une seule fois, sans me quitter des yeux. Il s’est frotté les paupières.<br class="calibre4"/>- Monsieur Yallow, l’accusation considère que vous risquez de prendre la fuite. Je pense que leur argument est recevable. Vous avez sans aucun doute une plus grande, disons, expérience, que les autres personnes ici. Je suis tenté de vous mettre en mandat de dépôt, quelle que soit la caution que vos parent sont prêts à payer.<br class="calibre4"/>Mon avocat a commencé à parler, mais le juge l’a fait taire d’un regard. Il s’est frotté les yeux.<br class="calibre4"/>- Avez-vous quelque chose à déclarer ?<br class="calibre4"/>- “J’avais l’occasion de fuir”, ai-je dit. “La semaine dernière. Quelqu’un a proposé de m’emmener hors de la ville et de m’offrir une nouvelle identité. Au lieu de ça, j’ai volé son téléphone, je me suis échappé de notre camion, et je me suis enfui. J’ai remis le téléphone — qui contenait des preuves concernant mon ami, Darryl Glover — à une journaliste, et je me suis caché ici, en ville”.<br class="calibre4"/>- “Vous avez volé un téléphone ?”<br class="calibre4"/>- “J’ai décidé que je ne pouvais pas m’enfuir. Que je devais me présenter à la justice — que ma liberté ne vaudrait rien si j’étais un homme traqué, ou que la ville était toujours sous la coupe du DHS. Si mes amis étaient enfermés. Que ma liberté personelle n’était pas aussi importante que la liberté du pays.<br class="calibre4"/>- “Mais vous avez donc volé un téléphone.” J’ai acquiescé.<br class="calibre4"/>- “Oui. Je voulais le rendre à son propriétaire, si jamais je retrouve la jeune fille en question.”<br class="calibre4"/>- “Eh bien, merci pour ces déclarations, monsieur Yallow. Vous êtes un jeune homme bien articulé.” Il a posé les yeux sur le procureur. “Certains diraient un homme très brave, également. Une certaine vidéo a fait les gros titres ce matin. Elle suggérait que vous auriez pu avoir des raisons légitimes de craindre les autorités. A la lumière de ces faits, et de vos déclarations ici, je vais accorder une mise en liberté sous caution, mais je vais également demander au procureur d’ajouter à sa liste une accusation de vol simple, eut égard à l’affaire du téléphone. Pour ces faits, je demanderai une caution supplémentaire de 50,000 dollars.”</p>
<p class="calibre2">Il a abattu son maillet une nouvelle fois, et mon avocat m’a serré la main. Le juge a de nouveau baissé ses yeux sur moi et a remis ses lunettes en place. Il avait des pellicules sur les épaules de sa toge. Quelques autres se sont encore déposées quand les branches de ses lunettes ont touché les boules de ses cheveux.<br class="calibre4"/>- Vous pouvez disposer, jeune homme. Evitez les ennuis.</p>
<p class="calibre2">Je me suis tourné pour sortir et quelqu’un m’a sauté dessus. C’était mon père. Il m’a littéralement soulevé de terre, m’étreignant si fort que mes côtes ont protesté. Il me tenait comme je me souvenais qu’il m’avait tenu quand j’étais tout petit, quand il me faisait tourner et tourner, hilare et nauséeux, pour des jeux d’avions qui finissaient quand il me lançait en l’air pour me rattraper et me serrer comme ça, si fort que ça faisait presque mal. Une paire de mains plus douces m’a arraché avec gentillesse à son entreinte. Maman. Elle m’a tenu à longueur de bras pendant un moment, fouillant mon visage du regard, sans rien dire, des larmes coulant en flot sur ses joues. Elle a souri et sanglotté et tout à coup elle aussi m’étreignait, et les bras de Papa nous entouraient tous<br class="calibre4"/>les deux. Quand ils m’ont lâché, j’ai enfin dit quelque chose.<br class="calibre4"/>- Darryl ?<br class="calibre4"/>- Son père m’a rencontré avant. Il est à l’hôpital.<br class="calibre4"/>- Quand pourrai-je le voir ?<br class="calibre4"/>- “Nous y allons maintenant.” a dit Papa. Il était sinistre. “Il ne…”. Il s’est arrêté. “Ils disent qu’il va se remettre”. Sa voix était étranglée<br class="calibre4"/>- Et Ange ?<br class="calibre4"/>- Sa mère l’a ramenée chez elle. Elle voulait t’attendre ici, mais…<br class="calibre4"/>Je comprenais. J’étais plein de compréhension, maintenant, pour ce que les familles des déportés devaient resentir. Le tribunal était plein de larmes et d’embrassades, et même les huissiers ne pouvaient rien y faire.<br class="calibre4"/>- “Allons voir Darryl”, j’ai dit. “Et je peux emprunter ton téléphone ?”<br class="calibre4"/>J’ai appelé Ange sur la route de l’hôpital où l’on gardait Darrly — San Francisco General, juste en bas de notre rue — et je lui ai donné rendez-vous pour juste après le dîner. Elle parlait en un murmure précipité. Sa mère ne<br class="calibre4"/>savait pas si elle devait la punir ou pas, mais Ange ne voulait pas pousser sa chance. Il y avait deux policiers de l’Etat dans le couloir où Darryl était détenu. Ils tenaient à distance la nuée de reporters qui se tenaient sur la pointe des pieds pour voir quelque chose et prendre des photos. Les flashs nous éclataient dans les yeux comme des stroboscopes, et j’ai secoué la tête pour les faire partir.Mes parents m’avaient apporté des vêtements propres et je m’étais changé sur la banquette arrière, mais je me sentais toujours sale, même après m’être frotté dans la salle de bain du tribunal.<br class="calibre4"/>Certains des reporters m’ont appelé par mon nom. Ah oui, c’est vrai, j’étais célèbre, maintenant. Les policiers m’ont jeté un regard aussi — soit qu’ils aient reconnu mon visage, soit qu’ils aient entendu les journalistes me héler.<br class="calibre4"/>Le père de Darryl nous a accueillis sur le seuil de sa chambre d’hôpital, en chuchotant trop bas pour que les journalistes ne l’entendent. Il était en civil, avec les jeans et le sweater qu’il portait normalement, mais il avait ses médailles épinglées sur la poitrine.<br class="calibre4"/>- Il dort, a-t-il annoncé. Il s’est réveillé il n’y a pas longtemps et il a commencé à pleurer. Il ne pouvait pas s’arrêter. Ils lui ont donné quelque chose pour le faire dormir.<br class="calibre4"/>Il nous a conduit à l’intérieur, et Darryl était là, ses cheveux propres et peignés, endormi la bouche ouverte. Il y avait quelque chose de blanchâtre aux commissures de ses lèvres. Il avait une chambre semi-privée, et sur l’autre lit il y avait un type plus vieux à l’air arabe, la quanrantaine. Je me suis rendu compte que c’était le gars à qui j’avais été enchaîné sur le chemin de Treasure Island. Nous avons échangé des saluts embarassés de la main.<br class="calibre4"/>Puis je me suis tourné vers Darryl. Je lui ai pris la main. Ses ongles étaient rongés jusqu’à la pulpe. Il avait eu l’habitude de se ronger les ongles quand il était enfant, mais il s’en était débarassé quand nous étions entrés au lycée. Je pense que Van l’avait convaincu d’arrêter, en lui disant que c’était répugnant qu’il ait ses doigts dans la bouche en permanence.<br class="calibre4"/>J’ai entendu mes parents et le père de Darryl s’éloigner et tirer les rideaux autours de nous. J’ai posé ma tête sur l’oreiller en face de son visage. Il avait des touffes de barbe qui me rappelaient Zeb.<br class="calibre4"/>- Hey, D., ai-je fait. Tu es sorti d’affaire. Tout va bien se passer.<br class="calibre4"/>Il a reniflé un peu. J’ai presque dit “Je t’aime”, une phrase que je n’avais jamais dite qu’à une seule personne en dehors de ma famille, une phrase que je trouvais bizarre de dire à un autre garçon. Au final, j’ai juste serré sa main. Pauvre Darryl.</p>
<p class="calibre2">Epilogue</p>
<p class="calibre2">Ce chapitre est dédié à Hudson Booksellers, les librairies que l’on trouve dans presque tous les aéroports des Etats-Unis. La plupart des boutiques de Hudson n’ont que quelques titres (encore qu’ils soient étonnamment divers), mais les grandes, comme celle du terminal AA de O’Hare à Chicago, sont aussi bonnes que des boutiques de quartier. Il faut quelque chose de spécial pour donner une touche de personalité à un aéroport, et Hudson a sauvé ma santé mentalelors de plus d’une escale à Chicago.<br class="calibre4"/>Hudson Booksellers.</p>
<p class="calibre2">Barbara m’a fait venir dans son bureau pendant le wee-end du 4 juillet. Je n’étais pas le seul à travailler le week-end de la fête nationale, mais j’étais le seul dont l’excuse était que mon programme de semi-liberté ne m’authorisait pas à quitter la ville.<br class="calibre4"/>Finalement, ils m’ont condamné pour le vol du téléphone de Masha. Vous y croyez, à un truc pareil ? L’accusation avait passé un accord avec le juge pour abandonner les chefs de “terrorisme électronique” et d’”incitation à l’émeute”, en échange de quoi je devais plaider coupable du délit de vol simple. J’ai écoppé de trois mois de semi-liberté dans un établissement pour délinquants mineurs dans la Mission. Je dormais dans l’établissement, dans un dortoir plein de vrais criminels, des gosses des gangs et des drogués, dont quelques vrais cas. Pendant la journée, j’étais “libre” de sortir et d’aller au “travail”.<br class="calibre4"/>- Marcus, ils vont la libérer, a-t-elle annoncé.<br class="calibre4"/>- Qui ça ?<br class="calibre4"/>- Johnstone, Carrie Johnstone, a-t-elle répondu. Le tribunal militaire à huis clos l’a innocentée. Le dossier est clos. Elle retourne au service actif. Ils l’envoient en Irak.<br class="calibre4"/>Carrie Johnstone était le nom de Coupe-à-la-Serpe. Il était sorti lors des audiences préliminaires de la Cour Supérieure de Californie, mais c’était à peu près tout ce qui en était sorti. Elle refusait de dire un mot sur qui lui donnait ses ordres, ce qu’elle avait fait, qui elle avait emprisonné et pourquoi. Elle restait simplement assise, parfaitement silencieuse, jour après jour, dans le tribunal.<br class="calibre4"/>Entre-temps, le gouvernement fédéral avait éclaté de rage et s’était répendu en invectives sur la fermeture “unilatérale et illégale” des installations de Treasure Islands par le gouverneur, et l’expulsion des policiers fédéraux de San Francisco par le maire. Bon nombre de ces flics s’étaient retrouvés dans les prisons de l’Etat, tenant compagnie aux gardes de Guantanamo-sur-la-Baie.<br class="calibre4"/>Puis un jour, les déclarations de la Maison-Blanche et du Capitol se sont arrêtées. Et le lendemain, il s’est tenu une conférence de presse conjointe tendue et intense sur les marches du palais du Gouverneur, où le chef du DSI et le gouverneur ont annoncé leur “arrangement”.<br class="calibre4"/>Le DSI tiendrait un tribunal militaire secret pour enquêter sur les “éventuelles erreurs de jugement” commises à la suite des attentats du Bay Bridge. Le tribunal employerait tous les moyens à sa disposition pour faire ne sorte que les agissements criminels soient punis de façon appropriée. En échange, le contrôle des opérations du DSI en Californie passerait par le Sénat de l’Etat, qui aurait le pouvoir de faire fermer, d’inspecter ou de redéfinir les priorités de toute la sécurité intérieure dans l’Etat.<br class="calibre4"/>Le brouhaha des reporters s’est fait assourdissant, et c’est Barbara qui a pu poser la première question.<br class="calibre4"/>- Monsieur de Gouverneur, avec tout le respect qui vous est dû, nous avons des preuves indiscutables que Marcus Yallow, un citoyen de cet Etat, né dans cet Etat, a été soumis à un simulâcre d’excécution par des officiers du DSI, apparemment sur ordre de la Maison Blanche. Est-ce que l’Etat a réellement l’intention d’abandonner jusqu’aux apparences de la justice pour ses citoyens face à ces actes de torture illégale et barbare ?<br class="calibre4"/>Sa voix tremblait mais ne s’est pas brisée.<br class="calibre4"/>Le Gouverneur a écarté les mains.<br class="calibre4"/>- Les tribunaux militaires vont rendre la justice. Si Monsieur Yallow — ou toute autre personne qui a des comptes à demander au Départment de la Sécurité Intérieure — réclame d’autres actions en justice, il lui reste, bien évidemment, le droit de demander les dommages et intérêts que le gouvernement fédéral pourrait lui devoir.<br class="calibre4"/>C’était bien ce que je faisais. Plus de vingt mille plaintes au civil avaient été déposées contre le DSI dans la semaine qui avait suivi la déclaration du Gouverneur. La mienne était assurée par l’ACLU, qui avait déposé des motions pour obtenir les verdicts des tribunaux militaires secrets. Jusque-là, les tribunaux avaient été assez compréhensifs à cet égard.<br class="calibre4"/>Mais je ne m’étais pas attendu à ça.<br class="calibre4"/>- Elle s’en sort absolument sans rien ?<br class="calibre4"/>- La presse ne donne pas tellement de détails : « Après un examen complet des événements de San Francisco et du centre de détention spéciale anti-terroriste de Treasure Island, le tribunal déclare que les actions de Madame Johnstone n’appellent pas de sanctions supplémentaires ». Il y a de mot, « supplémentaire » — comme si on l’avait déjà punie.<br class="calibre4"/>J’ai ricané. J’avais fait des cauchemars avec Carrie Johnstone presque chaque nuit depuis que j’avait été relâché de Guantanamo-sur-la-Baie. J’avais vu son visage se penser sur le mien, son rictus narquois quand elle avait ordonné à ses hommes de me « faire faire trempette ».<br class="calibre4"/>- Marcus… a fait Barbara, mais je l’aie interrompue.<br class="calibre4"/>- Tout va bien. Tout va bien. Je vais faire un film là-dessus. Je le sortirai ce week-end. Les lundis sont de bons jours pour les vidéos virales. Tout le monde sera revenu du week-end de la fe nationale, et sera preneur de quelque chose de marrant à faire passer à ses copains au bureau ou à l’école.</p>
<p class="calibre2">Je voyais un psychiatre deux fois par semaine, dans le cadre de mon programme de semi-liberté. Une fois que j’avais dépassé le stade où je le voyais comme une sorte de punition, ça s’était passé assez bien. Il m’avait aidé à me concentrer sur des activités positives quand j’étais en colère, au lieu de me laisser submerger. Les vidéos m’aidaient bien.<br class="calibre4"/>- Il faut que j’y aille, ai-je fait, en déglutissant fort pour chasser l’émotion de ma voix.<br class="calibre4"/>- Prends bien soin de toi, Marcus, a fait Barbara.<br class="calibre4"/>Ange m’a serré dans ses bras par derrière quand j’ai raccroché.<br class="calibre4"/>- Je viens de lire ça sur le Net, a-t-elle annoncé.<br class="calibre4"/>Elle lisait des millions de sources d’actualité, en les téléchargeant avec un aggrégateur qui actualisait les nouvelles aussi vite qu’elles apparaissaient. Elle était notre bloggeuse officielle, et elle était forte avec ça, à ficeler des articles et les publier en ligne comme un cuisinier qui préparerait de multiples petits déjeuners.<br class="calibre4"/>Je me suis retourné dans ses bras pour la serrer contre moi de face. En vérité, nous n’avions pas abattu beaucoup de travail ce jour-là. Je n’avais pas le droit de sortir de la maison de détention après le dîner, et elle ne pouvait pas m’y rendre visite. Nous nous voyions autour du bureau, mais il y avait en général plein d’autres gens qui y traînaient, ce qui limitait les occasions de nous faire des câlins. Rester tous seuls toute une journée au bureau était une trop grande tentation. Il faisait chaud et étouffant, aussi, de sorte que nous étions tous les deux en t-shirts et shorts et que nos peaux se touchaient souvent comme nous travaillions côte à côte.<br class="calibre4"/>- Je vais faire une vidéo, ai-je annoncé. Je veux la sortir aujourd’hui.<br class="calibre4"/>- Bien, a-t-elle rétorqué. Faisons ça.<br class="calibre4"/>Ange a lu le communiqué de presse. J’ai fait un petit monologue, synchronisé sur la fameuse scène où j’étais waterboardé, les yeux fous dans la lumière dure de la caméra, les larmes coulant sur mes joues, les cheveux plaqués sur le crâne et constellés de vomi.<br class="calibre4"/>- Me voici. Je suis en train d’être waterboardé. On me torture par un simulâcre d’excécution. Cette scéance de torture est supervisée par une femme qui s’appelle Carrie Johnstone. Elle travaille pour le gouvernement. Vous la connaissez peut-être de cette autre vidéo.<br class="calibre4"/>J’ai intercalé un extrait de la vidéo avec Johnstone et Kurt Rooney.<br class="calibre4"/>- Voici Johnstone et le Secrétaire d’Etat Jurt Rooney, le stratège en chef du Président.</p>
<p class="calibre2">« La nation n’a pas d’amour pour cette ville.<br class="calibre4"/>Pour autant qu’elle en ait quelque chose à faire, c’est une Sodome et Gomorhe<br class="calibre4"/>de pédés et d’athées qui ne méritent que de rôtir en enfer. La seule raison<br class="calibre4"/>pour laquelle le pays s’intéresse à ce qui se dit à San Francisco, c’est parce<br class="calibre4"/>qu’ils ont eu la bonne fortune de se faire faire sauter par des terroristes<br class="calibre4"/>islamistes. »</p>
<p class="calibre2">Voici comment il parle de la ville où je vis. D’après les derniers bilans, 4215 de mes voisins ont été tués le jour dont il parle. Mais certains n’ont peut-être pas été tués. Certains ont disparu dans les mêmes prisons où j’ai été torturé. Des mères et des pères, des enfants et des amants, des frères et des soeurs qui ne reverront jamais les leurs — parce qu’ils étaient détenus secrètement dans une prison illégale en pleine Baie de San Francisco. On les a expédiés à l’étranger. Les registres étaient tenus méticuleusement, mais c’est Carrie Johnstone qui a les clefs cryptographiques.<br class="calibre4"/>J’ai coupé sur Carrie Johnstone, le film où on la voyait assise à la table de conférence avec Rooney, à rire.<br class="calibre4"/>J’ai coupé sur son arrestations.<br class="calibre4"/>- Quand on l’a arrêtée, j’ai cru qu’on nous rendrait justice. A tous les gens qu’elle a brisé et fait disparaître. Mais le Président…<br class="calibre4"/>J’ai coupé sur une photo où il riait en jouant au golf lors de ses nombreuses vacances<br class="calibre4"/>… et son Stratège en Chef…<br class="calibre4"/>une photo de Rooney serrant la main à un terroriste célèbre qui avait été « de notre côté »<br class="calibre4"/>… sont intervenus. Ils l’ont envoyée devant un tribunal militaire secret qui l’a innocentée. On ne sait trop comment, ils ne voient rien à redire à tout ceci.<br class="calibre4"/>J’ai coupé sur un photomontage des centaines de photos de détenus dans leurs cellules que Barbara avait publiée sur le site du Bay Guardian le jour de notre libération.<br class="calibre4"/>- Nous avons élu ces gens. C’est nous qui payons leurs salaires. Ils sont censés être de notre côté. Ils sont censés défendre nos libertés. Mais ces gens…<br class="calibre4"/>Une série de photos de Johnstone et des autres qui étaient passés par les tribunaux<br class="calibre4"/>… ont trahi notre confiance. L’élection est pour dans quatre mois. C’est tout le temps qu’il faut. Bien assez pour que nous trouviez cinq de vos voisins — cinq personnes qui ont renoncé à voter parce que leur choix serait « aucun de ceux-là ».<br class="calibre4"/>Parlez à vos voisins. Faites-leur promettre d’arracher le pays à ces tortionnaires et ces gangsters. Ces gens qui se moquaient de mes amis fraîchement enfouis dans leur dernière demeure au fond du port. Faites-leur promettre de parler à leurs voisins à leur tour.<br class="calibre4"/>La plupart d’entre nous ne choisiraient aucun de ceux qui se présentent aux élections. Ca ne marche pas. Vous devez choisir — choisissez la liberté.<br class="calibre4"/>Je m’appelle Marcus Yallow. J’ai été torturé par mon propre pays, mais je l’aime toujours. J’ai dix-sept ans. Je voudrais grandir dans un pays libre. Je veux vivre dans un pays libre.<br class="calibre4"/>J’ai fondu sur le logo du site web. Ange l’avait mis sur pied, avec l’aide de Jolu, qui nous avait trouvé tout l’espace disque gratuit dont nous aurions jamais besoin sur Pigspleen.<br class="calibre4"/>Le bureau était un endroit intéressant. Techniquement, nous nous appelions Coalition des électeurs pour une Amérique Libre, mais tout le monde nous appelait les Xnetters. L’organisation — un association à but non lucratif — avait été co-fondée par Barbara et quelques-uns de ses mais avocats juste après la libération de Treasure Island. Le financement avec été lancé par l’un des millionaires high-techs qui n’en revenait pas qu’une bande de hackers adolescents aient botté le cul au DSI. De temps en temps, ils nous demandaient de descendre la Péninsule jusqu’à Sand Hill Road, où se trouvaient tous les venture capitalists, pour donner une petite présentation sur la technologie de Xnet. Il y avait des milliards de startups qui essayaient de se faire de l’argent sur Xnet. Je m’en fichais, je n’avais rien à faire avec tout ça, et j’avais un bureau et des locaux avec une raison sociale, en plein Valencia Street, où nous distribuions des CDs de ParanoidLinux et où nous organisions des ateliers où l’on améliorait des antennes WiFi. Un nombre étonnant de gens normaux passaient pour déposer des dons personnels, tant en équipement (on pouvait faire tourner ParanoidLinux sur à peu près n’importe quoi, pas seulement des Xbox Universal) qu’en argent liquide. Ils nous adoraient.<br class="calibre4"/>Notre grand plan était de lancer notre propre jeu en réalité en augmentée in septembre, juste à temps pour les élections, et d’y encourager les joueurs à faire enregistrer des électeurs et les emmener aux urnes. Seuls 42 pourcents des Américains s’étaient présentés aux bureaux de vote lors de l’élection précédente — les abstentionniste représentaient une majorité absolue. J’ai essayé à plusieurs reprises d’inviter Darryl et Van à l’une de nos scéances d’organisation, mais ils déclinaient toujours. Ils passaient beaucoup de temps ensemble, et Van insistait que ce n’était absolument pas sentimental. Darryl ne me parlait pas beaucoup, encore qu’il m’envoyât de longs e-mails sur à peut près n’importe quoi qui n’eût aucun trait ni à Van, ni au terrorisme, ni à la prison. Ange m’a serré la main.<br class="calibre4"/>- Mon Dieu, je hais cette femme, a-t-elle fait.<br class="calibre4"/>J’ai acquiescé.<br class="calibre4"/>- Ce n’est jamais qu’un des sales tours que notre pays aura joué à l’Irak, ai-je fait. Si on l’envoyait dans ma ville, je deviendrais probablement un terroriste.<br class="calibre4"/>- Mais, tu es devenu un terroriste quand ils l’ont envoyé dans ta ville !<br class="calibre4"/>- Effectivement, ai-je répondu.<br class="calibre4"/>- Est-ce que tu vas assister à l’audience de Madame Galvez lundi ?<br class="calibre4"/>- Carrément.<br class="calibre4"/>J’avais présenté Ange à Madame Galvez quelques semaines avant, quand mon ancienne professeur m’avait invité à dîner. Le syndicat des enseignants lui avait obtenu une audition devant la Commission du District des Ecoles Unifiées pour qu’elle puisse plaider sa cause et obtenir d’être rétablie à son poste. Il se murmurait que Fred Benson sortirait de sa retraite (anticipée) pour témoigner contre elle.<br class="calibre4"/>- Est-ce que tu veux sortir prendre un burrito ?<br class="calibre4"/>- Carrément !<br class="calibre4"/>- Attends, je prends la sauce piquante, a-t-elle dit.<br class="calibre4"/>J’ai jeté encore un coup d’oeil à mes mails — mon compte au Parti Pirate, où je recevais encore quelques mails d’anciens du Xnet qui n’avaient pas encore trouvé mon adresse à la Coalition des Electeurs. Le dernier message en date venait d’une adresse jetable sur l’un des nouveau anonymiseurs brésiliens.</p>
<p class="calibre2">> Je l’ai trouvée, merci.<br class="calibre4"/>> Tu ne m’avais pas dit qu’elle était tellement c4n0n.</p>
<p class="calibre2">- De qui ça vient ?<br class="calibre4"/>J’ai éclaté de rire.<br class="calibre4"/>- Zeb, ai-je répondu. Tu te souviens de Zeb ? Je lui ai donné l’adresse de Masha. Je me suis dit, s’ils sont tous les deux en fuite, autant les présenter l’un à l’autre.<br class="calibre4"/>- Il trouve Masha mignonne ?<br class="calibre4"/>- Oh, sois indulgente, il est clairement perturbé par son environnement.<br class="calibre4"/>- Et toi ?<br class="calibre4"/>- Quoi, moi ?<br class="calibre4"/>- Ouais — est-ce que ton esprit était perturbé par ton environnement ?<br class="calibre4"/>J’ai tenu Ange à bout de bras et je l’ai scrutée les pieds à la tête. J’ai pris ses joues dans mes mains et j’ai contemplé, à travers ses grosses lunettes, ses grands yeux moqueurs et lumineux. J’ai passé mes doigts dans ses cheveux.<br class="calibre4"/>- Ange, je n’ai jamais pensé plus clairement de toute ma vie.<br class="calibre4"/>Elle m’a embrassé, et je lui ai rendu son baiser, et il s’est passé quelque temps avant que nous ne sortions manger ce burrito.</p>
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