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<title>http://www.grabmybooks.com</title>
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<h2 class="calibre1">Chapitre 14</h2>
<p class="calibre2"><i class="calibre3">Ce chapitre est dédié à l’incomparable Mysterious Galaxy à San Diego, en Californie.<br class="calibre4"/>Les gens de la Mysterious Galaxy m’ont invité à signer des livres à chaque fois que<br class="calibre4"/>je suis passé à San Diego pour une conférence ou pour donner un cours (l’atelier<br class="calibre4"/>Clarion Writers’ est rattaché à l’université d’Etat de San Diego dans la ville<br class="calibre4"/>voisine de La Jolla), et à chaque fois que je suis venu, ils ont rempli leur<br class="calibre4"/>boutique. Ce magasin a une troupe loyale de fans absolus qui savent qu’ils<br class="calibre4"/>pourront toujours avoir d’excellents conseils et des idées géniales dans la<br class="calibre4"/>boutique. Pendant l’été 2007, j’ai emmené ma classe du Clarion jusqu’à la librairie<br class="calibre4"/>pour le lancement de minuit du dernier Harry Potter et je n’ai jamais vu une fête<br class="calibre4"/>aussi fantastiquement amusante qu’au magasin.<br class="calibre4"/>Mysterious Galaxy: 7051 Clairemont Mesa Blvd., Suite #302 San Diego, CA<br class="calibre4"/>USA 92111 +1 858 268 4747</i></p>
<p class="calibre2">Il n’y avait pas beaucoup d’animation sur le Xnet en plein milieu d’un jour<br class="calibre4"/>d’école, quand tous les gens qui l’utilisaient étaient en cours. J’avais la<br class="calibre4"/>feuille pliée dans la poche arrière de mon jeans, et je l’ai jetée sur la table<br class="calibre4"/>de la cuisine en arrivant à la maison. Je me suis assis dans le salon et j’ai<br class="calibre4"/>allumé la télévision. Je ne la regardais jamais, mais je savais que mes parents<br class="calibre4"/>le faisaient. La télé, la radio et les journaux, c’était là qu’ils se faisaient<br class="calibre4"/>leurs idées sur le monde.<br class="calibre4"/>Les actualités étaient terribles. Il y avait tant de raisons d’avoir peur. Les<br class="calibre4"/>soldats américains mourraient partout dans le monde. Pas seulement les soldats,<br class="calibre4"/>du reste. Les Gardes Nationaux, qui croyaient s’enrôler pour sauver les gens des<br class="calibre4"/>ouragans, se retrouvaient en garnison outre-mer pendant des années et des années<br class="calibre4"/>dans une guerre sans fin.<br class="calibre4"/>J’ai zappé à travers les chaînes d’information en continu, l’une après l’autre,<br class="calibre4"/>un défilé de dignitaires nous disant pourquoi nous devions avoir peur. Un défilé<br class="calibre4"/>de photos de bombes explosant de par le monde. J’ai continué à zapper et je me<br class="calibre4"/>suis retrouvé devant un visage familier. C’était le gars qui était venu dans le<br class="calibre4"/>camion et avait parlé à Coupe-à-la-Serpe quand j’étais enchaîné à l’arrière. En<br class="calibre4"/>uniforme militaire. La légende l’identifiait comme le Général de Corps d’Armée<br class="calibre4"/>Graeme Sutherland, commandant régional, DHS.<br class="calibre4"/>« Je tiens là des exemples authentiques du genre de littérature que l’on trouvait<br class="calibre4"/>à ce soi-disant concert à Dolores Park du week-end dernier. »<br class="calibre4"/>Il tenait une pile de prospectus. Il y avait eu pas mal de gens qui distribuaient<br class="calibre4"/>des tacts, je m’en souvenais. Partout où vous aviez un groupe de gens à San Francisco,<br class="calibre4"/>il y avait des tacts.<br class="calibre4"/>« Je voudrais que vous les examiniez un moment. Permettez-moi de vous en lire les<br class="calibre4"/>titres. SANS LE CONSENTEMENT DES GOUVERNÉS: UN GUIDE CITOYEN POUR RENVERSER L’ÉTAT.<br class="calibre4"/>En voilà un, LES ATTENTATS DU ONZE SEPTEMBRE ONT-ILS VRAIMENT EU LIEU ? Et un autre,<br class="calibre4"/>COMMENT UTILISER LEUR SÉCURITÉ CONTRE EUX. Cette littérature nous montre le but réel<br class="calibre4"/>de ce rassemblement illégal de samedi dernier. Ce n’était pas seulement un rassemblement<br class="calibre4"/>dangeureux de millieurs de personnes sans précautions élémentaires, et même sans<br class="calibre4"/>toilettes. C’était un festival de recrutement de l’ennemi. C’était une tentative de<br class="calibre4"/>corrompre des enfants et les convaincre que l’Amérique ne devrait pas se protéger.<br class="calibre4"/>Prenez ce slogan, NE FAITES CONFIANCE À PERSONNE AU-DESSUS DE 25 ANS. Quelle meilleure<br class="calibre4"/>façon de vous assurer qu’aucune discussion réfléchie, équilibrée, adulte ne s’injecte<br class="calibre4"/>jamais dans votre message pro-terroriste, que d’en exclure les adultes, de limiter<br class="calibre4"/>votre groupe aux jeunes gens impressionables ?<br class="calibre4"/>« Quand la police est arrivée sur les lieux, elle a trouvé un rassemblement de<br class="calibre4"/>recrutement pour les ennemis de l’Amérique qui battait son plein. Ce rassemblement<br class="calibre4"/>avait déjà dérangé le repos de centaines de résidents du quartier, dont aucun n’avait<br class="calibre4"/>été consulté pour l’organisation de cette rave party qui devait durer toute la nuit.<br class="calibre4"/>« Ils ont ordonné à ces gens de se disperser — ça se voit très bien sur la vidéo –<br class="calibre4"/>et quand les fêtards se sont retournés contre eux, encouragés par les musiciens sur<br class="calibre4"/>scène, la police les a maîtrisés par l’applications de techniques de maintien de<br class="calibre4"/>l’ordre non léthales.<br class="calibre4"/>« Les personnes arrêtées sont les meneurs et les provocateurs qui avaient conduit des<br class="calibre4"/>centaines de jeunes gens impressionables à charger les rangs de la police. 827 d’entre<br class="calibre4"/>eux ont été écroués. Beaucoup d’entre eux étaient déjà connus de nos services. Plus de<br class="calibre4"/>cent de ceux-là étaient même recherchés. Ils sont toujours détenus.<br class="calibre4"/>« Mesdames et Messieurs, l’Amérique est en guerre et se bat sur de nombreux fronts, mais<br class="calibre4"/>sur aucun elle ne court un péril plus grand que là où elle est, au pays. Que nous soyons<br class="calibre4"/>attaqués par des terroristes ou par ceux qui sympathisent avec eux. »<br class="calibre4"/>Un reporter a levé la main et demandé:<br class="calibre4"/>« Général Sutherland, vous n’êtes sans doute pas en train de dire que ces enfants sont<br class="calibre4"/>des sympathisants des terroristes simplement parce qu’ils ont participé à une fête dans<br class="calibre4"/>un parc ? »<br class="calibre4"/>« Bien sûr que non. Mais quand des jeunes gens sont sous l’influence des ennemis de notre<br class="calibre4"/>pays, ils dérappent facilement. Les terroristes adoreraient recruter une cinquième colonne<br class="calibre4"/>qui se batte pour eux sur le front de l’arrière. Si c’étaient mes enfants, je serais très<br class="calibre4"/>inquiet. »<br class="calibre4"/>Un autre reporter s’est annoncé.<br class="calibre4"/>« Certainement, il ne s’agissait que d’un concert en plein air, Général ? Ils ne<br class="calibre4"/>s’entraînaient pas avec des fusils d’assaut. »<br class="calibre4"/>Le général a sorti une pile de photos et a commencé à les brandir.<br class="calibre4"/>« Voici des images prises par nos officiers avec des caméras infra-rouges avant charger. »</p>
<p class="calibre2">Il les a tenues près de son visage et les a fait défiler une à une. Elles montraient des<br class="calibre4"/>gens qui dansaient vraiment énergiquement, certains se faisant écraser ou marcher dessus.<br class="calibre4"/>Ensuite ils sont passés aux actes sexuels près des arbres, une fille avec trois garçons,<br class="calibre4"/>deux garçons embrassés.<br class="calibre4"/>« Il y avait des enfants de dix ans à cet événement. Un cocktail mortel de drogue, de<br class="calibre4"/>propagande et de musique qui s’est soldé par des dizaines de blessés. C’est un miracle<br class="calibre4"/>que personne ne soit mort. »<br class="calibre4"/>J’ai éteint la télévision. Ils mettaient ça en scène comme si ça avait été une émeute.<br class="calibre4"/>Si mes parents m’avaient soupçonné d’y avoir été, ils m’auraient gardé ligoté à mon lit<br class="calibre4"/>pendant un mois et ne m’auraient laissé sortir qu’avec un collier-balise de localisation.<br class="calibre4"/>A propos de quoi, ça les ennuyerait sûrement que je me sois fait suspendre.</p>
<p class="calibre2">Ils ne l’ont pas pris bien. Mon père voulait me confiner dans ma chambre, mais ma mère<br class="calibre4"/>l’a convaincu de n’en rien faire.<br class="calibre4"/>« Tu sais bien que ce vice-principal avait Marcus dans le collimateur depuis des années »,<br class="calibre4"/>a dit ma mère. « La dernière fois que tu l’as rencontré, tu l’as maudit pendant une heure,<br class="calibre4"/>après coup. Je crois me souvenir que le mot “trou du cul” a été mentionné plusieurs fois »<br class="calibre4"/>Mon près a secoué la tête.<br class="calibre4"/>« Déranger un cours pour argumenter contre le Département de la Sécurité Intérieure… »<br class="calibre4"/>« C’est un cours de Sciences Sociales, Papa », ai-je dit. Je n’en n’avais plus grand-chose<br class="calibre4"/>à faire, mais je me disais que si ma mère me défendait, je devais l’aider.<br class="calibre4"/>« Nous parlions du DSI. Est-ce que le débat n’est pas censé être une chose saine ? »<br class="calibre4"/>« Ecoute, fils », a-t-il dit. Il avait pris l’habitude de m’appeler « fils » souvent.<br class="calibre4"/>Ca me donnait l’impression qu’il avait cessé de penser à moi comme à une personne, et<br class="calibre4"/>qu’il était passé à me considérer comme une sorte de larve à moitié formée qu’il devait<br class="calibre4"/>giuder hors de l’adolescence. Je détestais ça.<br class="calibre4"/>« Tu vas devoir vivre avec le fait que nous vivons dans un monde différent, aujourd’hui.<br class="calibre4"/>Tu as absolument le droit de donner ton opinion, évidemment, mais tu vas devoir te préparer<br class="calibre4"/>aux conséquences. Tu vas devoir affronter le fait qu’il y a des gens qui souffrent, qui ne<br class="calibre4"/>vont pas vouloir discutailler sur le finesses du Droit constitutionnel quand il y a des<br class="calibre4"/>vies en jeu. Nous sommes dans un canot de sauvetage, maintenant, et quand on est dans<br class="calibre4"/>un canot de sauvetage, personne ne veut entendre raconter à quel point le capitaine est<br class="calibre4"/>méchant. »<br class="calibre4"/>J’ai eu du mal à me retenir de lever les yeux au ciel.<br class="calibre4"/>« On m’a donné pour devoir d’écrire un article pour chacune de mes matières, en utilisant<br class="calibre4"/>la ville comme sujet de fond — un article en Histoire, un en Sciences Sociales, un en<br class="calibre4"/>Anglais, et un en Physique. C’est toujours mieux que de rester à la maison à glander devant<br class="calibre4"/>la télé »<br class="calibre4"/>Mon père m’a jeté un regard scrutateur, comme s’il me soupçonnait d’être sur un mauvais coup,<br class="calibre4"/>puis a acquiescé. J’ai salué mes parents et je suis monté dans ma chambre. J’ai démarré ma<br class="calibre4"/>Xbox et j’ai ouvert un traitement de texte pour noter des idées en vrac pour mes articles.<br class="calibre4"/>Pourquoi pas ? Ca valait vraiment mieux que de rester à la maison à ne rien faire.</p>
<p class="calibre2">J’ai fini par chatter pendant un bon bout de temps avec Angie cette nuit-là. Elle<br class="calibre4"/>compatissait et m’a dit qu’elle m’aiderait avec mes articles si je voulais la retrouver<br class="calibre4"/>après l’école l anuit suivante. Je savais où était son lycée — elle allait au même que<br class="calibre4"/>Van — et qu’il se trouvait tout à l’autre bout de la Baie de l’Est, où je n’étais pas<br class="calibre4"/>retourné depuis l’explosion des bombes. J’étais tout excité à l’idée de la revoir.<br class="calibre4"/>Chaque nuit depuis la fête, je m’étais couché en pensant à deux choses : la scène de<br class="calibre4"/>la foule chargeant les cordons de police, et la sensation du contour de son sein sous<br class="calibre4"/>sa chemise quand nous nous étions appuyés contre le pillier. Elle était épatante. Je<br class="calibre4"/>n’avais jamais été avec une fille aussi… aggressive qu’elle avant. Ca avait toujours<br class="calibre4"/>été moi qui prenait l’initiative et elles qui me tenaient à distance. J’ai eu l’impression<br class="calibre4"/>que Ange était tout aussi sexuelle que moi. C’était une idée fascinante.</p>
<p class="calibre2">J’ai dormi profondément cette nuit, avec des rêves excitant à propos de moi et Ange, et de<br class="calibre4"/>ce que nous ferions si nous nous retrouvions dans un endroit tranquille quelque part.</p>
<p class="calibre2">Le lendemain, je me suis mis à travailler à mes devoirs. San Francisco est un bon endroit<br class="calibre4"/>sur lequel écrire. Histoire ? Bien sûr, il y en a, depuis la Ruée vers l’Or jusqu’aux<br class="calibre4"/>chantiers navals de la Seconde Guerre Mondiale, les camps d’internement des Japonais,<br class="calibre4"/>l’invention du PC. La Physique ? L’Exploratorium a les meilleures expositions de tous<br class="calibre4"/>les musées où j’ai jamais été. J’ai pris une satisfaction perverse à l’installation sur<br class="calibre4"/>la liquéfaction des sols pendant les grands tremblements de terre. L’anglais ? Jack London,<br class="calibre4"/>les poètes de la Beat Generation, les auteurs de Science-Fiction comme Pat Murphy et Rudy<br class="calibre4"/>Rucker. Les Sciences Sociales ? La mouvement pour la liberté d’expression, César Chavez,<br class="calibre4"/>les droits homosexuels, le féminisme, le mouvement pacifiste… J’ai toujours adoré<br class="calibre4"/>apprendre pour le pur plaisir d’apprendre. Simplement pour mieux comprendre le monde qui<br class="calibre4"/>m’entoure. Je pouvais faire ça en me promenant dans la ville. J’ai décidé que je commencerais<br class="calibre4"/>par mon devoir d’anglais, sur la Beat Generation. City Light Books avait une magnifique<br class="calibre4"/>bibliothèque, à l’étage, où Alan Ginsberg et ses amis avaient créé leur poésie radicale et<br class="calibre4"/>droguée. C’était Howl que nous avions lu en cours d’anglais et je n’avais jamais oublié<br class="calibre4"/>les premiers vers, ils me donnaient des frissons dans l’échine:<br class="calibre4"/>« J’ai vu les meilleurs esprits de ma génération détruits par la folie, affamés<br class="calibre4"/>hystériques nus, rampant dans les rues nègres à l’aube à la recherche d’une dose<br class="calibre4"/>de furie, hipsters aux têtes d’ange brûlant de désir pour l’antique connection céleste<br class="calibre4"/>à la dynamo étoilée de la machinerie de la nuit… »<br class="calibre4"/>J’adorais la façon dont il faisait rouler ces mots ensemble, « affamés hystériques nus».<br class="calibre4"/>Je connaissais la sensation. Et « les meilleurs esprits de ma génération » me faisait<br class="calibre4"/>réfléchir dur aussi. Ca me rappelait le parc et la police, et le gaz qui s’abattait.<br class="calibre4"/>Ils avaient mis Ginsberg en taule pour obscénité à cause de Howl — rien qu’à cause d’un<br class="calibre4"/>vers sur l’homosexualité qui ne ferait plus tiquer personne aujourd’hui.<br class="calibre4"/>D’une certaine façon, savoir que nous avions fait quelque progrès me rendait heureux.<br class="calibre4"/>Que la société avaient été encore plus restrictive avant.</p>
<p class="calibre2">Je me suis perdu dans la bibliothèque, à lire ces magnifiques éditions anciennes. Je<br class="calibre4"/>me suis perdu dans « Sur la Route » de Jack Kerouac, un roman que j’avais voulu lire<br class="calibre4"/>depuis longtemps, et un bibliothécaire qui était venu voir ce que je faisais a<br class="calibre4"/>hoché la tête avec approbation avant de me toruver une édition bon marché qu’il m’a<br class="calibre4"/>vendu pour six dollars. J’ai marché dans Chinatown et j’ai pris des dim sum et des<br class="calibre4"/>nouilles avec de la sauce forte que j’aurais jadis trouvée sérieusement épicée,<br class="calibre4"/>mais qui ne me ferais jamais plus cette impression, plus depuis que j’avais goûté<br class="calibre4"/>au Ange Special.</p>
<p class="calibre2">Comme la journée tournait à l’après-midi, je suis monté sur le BART et j’ai pris<br class="calibre4"/>la navette du pont San Mateo pour me faire conduire à East Bay. J’ai lu mon édition<br class="calibre4"/>de « Sur la Route » et profité du paysage qui passait à toute vitesse. « Sur la Route »<br class="calibre4"/>est un roman à moitié autobiographique de Jack Kerouac, un écrivain drogué et buveur<br class="calibre4"/>qui parcourt l’Amérique en auto-stop, vivant de petits boulots, rôdant dans les rues<br class="calibre4"/>la nuit, renontrant des gens et les perdant de vue.<br class="calibre4"/>Des Hipsters, des clochards aux tristes figures, des escrocs, des cambrioleurs, des<br class="calibre4"/>salopards et des anges. Il n’y a pas vraiment d’intrigue — Kerouac l’aurait écrit<br class="calibre4"/>en trois semaines sur un long rouleau de papier, sous l’effet de la drogue –, seulement<br class="calibre4"/>un ensemble d’anecdotes étonnantes, une chose survenant après l’autre. Il devient ami<br class="calibre4"/>avec des personalités auto-destructrices comme Dean Moriarty, qui l’entraîne dans des<br class="calibre4"/>combines tordues qui ne marchent jamais, si vous voyez ce que je veux dire.<br class="calibre4"/>Il y avait un rythme dans les mots, c’était sensuel, je pouvait l’entendre lu à<br class="calibre4"/>haute voix dans ma tête. Ca me donnait envie de me coucher sur la banquette d’une<br class="calibre4"/>camionette et de me réveiller dans une petite ville pousiéreuse quelque part dans<br class="calibre4"/>Central Valley sur la route de Los Angeles, un de ces endroits où il n’y a qu’une<br class="calibre4"/>station-service et un restauroute, et de marcher dans les champs pour rencontrer<br class="calibre4"/>des gens et voir des choses et faire des trucs.<br class="calibre4"/>C’était un long trajet en bus et j’ai dû m’assoupir un peu — rester réveillé tard<br class="calibre4"/>à chatter avec Ange avait perturbé mon cycle de sommeil, d’autant que ma mère<br class="calibre4"/>m’attendait pour l’heure du petit déjeuner. Je me suis réveillé et j’ai changé de but,<br class="calibre4"/>et peu après, je suis arrivé à l’école d’Ange.<br class="calibre4"/>Elle a émergé du portail dans son uniforme — je ne l’avais jamais vue dedans avant,<br class="calibre4"/>c’était assez mignon dans un genre assez étrange, et ça m’a rappelé Van dans son<br class="calibre4"/>uniforme. Elle m’a longuement serré dans ses bras et m’a embrassé énergiquement sur<br class="calibre4"/>la joue.<br class="calibre4"/>« Salut, toi ! », m’a-t-elle dit.<br class="calibre4"/>« Hiya ! »<br class="calibre4"/>« Qu’est-ce que tu lis de beau ? »<br class="calibre4"/>Je m’étais préparé à cette question. J’avais marqué un passage du doigt.<br class="calibre4"/>« Ecoute ça : Ils ont dancé dans les rues comme des dingledodies, et je les ai suivis<br class="calibre4"/>en titubant comme j’ai toujours fait tout ma vie avec les gens qui m’intéressaient,<br class="calibre4"/>parce que les seuls qui comptent pour moi sont les fous, ceux qui vivent à la folie,<br class="calibre4"/>qui parlent à la folie, qui cherchent leur salut dans la folie, qui veulent tout à la<br class="calibre4"/>fois, ceux qui ne baillent jamais ni ne disent de banalités, mais qui brûlent, brûlent,<br class="calibre4"/>brûlet comme de fabuleuses chandelles romaines qui explosent à travers les étoiles et<br class="calibre4"/>au milieu desquelles on voit la lumière bleue centrale qui éclate et tout le monde<br class="calibre4"/>s’exclame “Ohhh !” ».<br class="calibre4"/>Elle m’a pris le livre et a relu le passage.<br class="calibre4"/>« Wouah, des dingledodies ! J’adore ! C’est tout le temps comme ça ? »<br class="calibre4"/>Je lui ai parlé des partie que j’avais lues, en marchant lentement sur le trottoir<br class="calibre4"/>en direction de l’arrêt de bus. Quand nous avons tourné le coin de la rue, elle<br class="calibre4"/>m’a passé le bras autour de la taille et j’ai passé le mien sur son épaule. Descendre<br class="calibre4"/>la rue avec une fille — ma copine ? Certainement, pourquoi pas ? — en parlant d’un<br class="calibre4"/>bon livre. C’était paradisiaque. Ca m’a fait oublier mes ennuis pour un moment.<br class="calibre4"/>« Marcus ? »<br class="calibre4"/>Je me suis retourné. C’était Van. Subconsciemment, je m’y étais attendu. Je m’en suis<br class="calibre4"/>rendu compte parce que mon conscient ne s’est pas étonné du tout. L’école n’étais pas<br class="calibre4"/>grande, et ils sortaient tous en même temps. Je n’avais plus parlé à Van depuis des<br class="calibre4"/>semaines, et ces semaines me semblaient des mois. Nous avions eu l’habitude de parler<br class="calibre4"/>chaque jour.<br class="calibre4"/>« Hé, Van ! », ai-je fait. J’ai réfréné l’envie de retirer mon bras des épaules d’Ange.<br class="calibre4"/>Van avait l’air surprise, mais pas fâchée, plutôt étonnée, secouée. Elle nous a examinés.<br class="calibre4"/>« Angela ? »<br class="calibre4"/>« Salut, Vanessa », a dit Ange.<br class="calibre4"/>« Qu’est-ce que tu fais ici ?»<br class="calibre4"/>« Je suis venu chercher Ange », ai-je dit en essayant de garder un ton neutre. Je me<br class="calibre4"/>sentais soudainement gêné d’être surpris avec une autre fille.<br class="calibre4"/>« Oh », a dit Van. « Eh bien, c’était sympa de te voir ».<br class="calibre4"/>« Oui, toi aussi », a dit Ange en me retournant avant de m’emmener vers l’arrêt de bus.<br class="calibre4"/>« Tu la connais ? », a demandé Ange.<br class="calibre4"/>« Oui, depuis toujours ».<br class="calibre4"/>« C’est ton ex ? »<br class="calibre4"/>« Quoi ? Non ! Jamais de la vie ! On était juste amis »<br class="calibre4"/>« Vous étiez juste amis ?»<br class="calibre4"/>J’avais l’impression que Van marchait juste derrière nous et écoutait tout, quoi<br class="calibre4"/>qu’à l’alllure où nous marchions, elle aurait dû se mettre au pas de gymnastique pour<br class="calibre4"/>nous suivre. J’ai résisté aussi longtemps que j’ai pu à l’envie de regarder par-dessus<br class="calibre4"/>mon épaule, puis je n’y ai plus tenu. Il y avait plein de filles de l’école derrière<br class="calibre4"/>nous, mais pas Van.<br class="calibre4"/>« Elle était avec moi, Jose-Louis et Darryl quand nous avons été arrêtés. On jouait<br class="calibre4"/>au ARG ensemble. Tous les quatre, on était meilleurs amis. »<br class="calibre4"/>« Et qu’est-ce qui s’est passé ?»<br class="calibre4"/>J’ai baissé le ton.<br class="calibre4"/>« Elle n’a pas aimé Xnet », ai-je expliqué. « Elle trouvait que ça nous attirerait<br class="calibre4"/>des ennuis. Que j’attirerais des ennuis à des gens. »<br class="calibre4"/>« Et c’est comme ça que vous avez arrêté d’être amis ? »<br class="calibre4"/>« On a juste pris des directions différentes »<br class="calibre4"/>nous avons fait quelques pas.<br class="calibre4"/>« Vous n’étiez pas, tu sais, du genre amis petit ami-petite amie ? »<br class="calibre4"/>« Et c’est pour ça que vous avez arrêté d’être amis ? »<br class="calibre4"/>« Non ! », ai-je fait. Mon visage brûlait. J’avais l’impression d’avoir l’air d’un<br class="calibre4"/>menteur, alors que je disais la vérité. Ange nous a arrêtés d’une secousse et a<br class="calibre4"/>scruté mon visage.<br class="calibre4"/>« Vraiment ? »<br class="calibre4"/>« Non, sérieusement. On était juste amis. Darryl et elle — bon, pas vraiment, mais<br class="calibre4"/>Darryl était raide amoureux d’elle. Il n’y aurait eu aucun moyen… »<br class="calibre4"/>« Mais si Darryl ne s’était pas intéressé à elle, tu aurais trouvé un moyen, hein ? »<br class="calibre4"/>« Non, Ange, s’il-te-plaît. Fais-moi confiance et laisse tomber. Vanessa était une<br class="calibre4"/>amie proche et maintenant elle ne l’est plus, et ça me fait de la peine, mais je<br class="calibre4"/>ne l’ai jamais vue comme ça, d’accord ? »<br class="calibre4"/>Elle s’est affaissée un peu.<br class="calibre4"/>« D’accord, d’accord. Je suis désolée. Je ne me suis vraiment jamais entendue avec<br class="calibre4"/>elle. On ne s’est jamais entendues de toutes les années où on s’est connues. »<br class="calibre4"/>« Oh oh », ai-je pensé. Voilà comment Jolu l’avait connue depuis si longtemps<br class="calibre4"/>alors que je ne l’avais jamais rencontrée ; il y avait quelque chose entre elle<br class="calibre4"/>et Van, et il ne voulait pas la faire venir autours de nous.<br class="calibre4"/>Elle m’a tenu longuement dans ses bras et nous nous sommes embrassés, et une<br class="calibre4"/>bande de filles qui nous dépassaient nous ont sifflés; nous avons rectifié notre<br class="calibre4"/>tenue et nous sommes dirigés vers l’arrêt de bus. Devant nous marchait Van, qui<br class="calibre4"/>devait nous avoir dépassés pendant notre baiser. J’ai eu l’impression d’être<br class="calibre4"/>un vrai connard.<br class="calibre4"/>Bien entendu, elle était à l’arrêt, puis dans le bus, et nous n’avons pas échangé<br class="calibre4"/>un mot ; pendant tout le trajet, j’ai essayé de faire la conversation à Ange, mais<br class="calibre4"/>l’atmosphère était tendue.<br class="calibre4"/>Nous avions prévu de nous arrêter pour un café puis d’aller chez Ange pour être<br class="calibre4"/>ensemble et « travailler », c’est-à-dire nous passer sa Xbox tour à tour pour<br class="calibre4"/>regarder le Xnet. La mère d’Ange rentrait tard les jeudis, jour où elle donnait<br class="calibre4"/>un cours de yoga et sortait dîner avec sa classe, et la soeur d’Ange était sortie<br class="calibre4"/>avec son copain, de sorte que nous avions toute la maison à nous. J’avais eu des<br class="calibre4"/>idées tordues sur ce plan depuis que nous l’avions échaffaudé.<br class="calibre4"/>Nous sommes rentrés chez elle, sommes montés directement dans sa chambre et avons<br class="calibre4"/>fermé la porte. Sa chambre était une sorte de zone sinistrée, couverte de couches<br class="calibre4"/>de vêtements, d’ordinateurs portables et de pièces de PCs qui nous entraient dans<br class="calibre4"/>les chaussettes et les pieds comme des cailloux. Son bureau était encore pire que<br class="calibre4"/>le sol, croûlant sous les livres et les bandes dessinées, et nous avons fini assis<br class="calibre4"/>sur le lit, ce qui m’allait très bien.<br class="calibre4"/>La gêne de croiser Van s’était quelque peu dissipée, et nous avons allumé la Xbox.<br class="calibre4"/>Elle était l’épicentre d’un nid de cables, dont certains filaient vers un antenne<br class="calibre4"/>WiFi qu’elle avait bricolée et installée sur le rebord de la fenêtre pour capter<br class="calibre4"/>le réseau sans fil des voisins. D’autres partaient vers une paire de vieux laptops<br class="calibre4"/>qu’elle avait transformés en moniteurs, juchés sur des supports et grouillants de<br class="calibre4"/>composantes électroniques visibles. Les écrans étaient sur les deux tables de nuit,<br class="calibre4"/>ce qui en faisait une excellente installation pour regarder des films ou pour<br class="calibre4"/>chatter depuis le lit — elle pouvait tourner les écrans de travers et se coucher<br class="calibre4"/>sur le flanc, et ils seraient bien orientés pour elle, de quelque manière qu’elle<br class="calibre4"/>se tourne.<br class="calibre4"/>Nous savions tous les deux pourquoi nous étions vraiment là, assis côte à côte et<br class="calibre4"/>serrés contre la table de nuit. Je tremblais un peu et j’avais la sensation aigüe<br class="calibre4"/>de la chaleur de sa jambe et de son épaule contre les miennes, mais j’avais besoin<br class="calibre4"/>de faire le rituel de m’authentifier sur Xnet, jeter un oeil à mes mails, et ainsi<br class="calibre4"/>de suite.<br class="calibre4"/>Il y avait un email d’un gamin dont la prédilection était de publier des vidéos<br class="calibre4"/>d’agents du DSI lancés dans des entreprises vraiment démentes — la dernière les<br class="calibre4"/>avait montrés occupés à démonter une poussette après d’un chien détecteur d’explosifs<br class="calibre4"/>s’y était intéressé ; ils en enlevaient les pièces avec des tournevis en pleine rue<br class="calibre4"/>dans la Marina pendant que les riches passaient devant la scène, en le regardant avec<br class="calibre4"/>de grands yeux et en s’étonnant de l’étrangeté de la chose.<br class="calibre4"/>J’avais publié un lien avec la vidéo, et il s’en était téléchargé un nombre de copies<br class="calibre4"/>complètement dingue. Il avait l’envoyée sur le mirroir Alexandria de l’Internet Archive,<br class="calibre4"/>en Égypte, qui hébergeait n’importe quoi gratuitement du moment que ce soit sous une<br class="calibre4"/>license Creative Commons qui laisse tout le monde la remixer et la partager. L’archive<br class="calibre4"/>américaine — dont les serveurs se trouvaient à Presidio, à quelques minutes seulement<br class="calibre4"/>de moi — s’était trouvée obligée d’effacer les vidéos au nom de la Sécurité nationale,<br class="calibre4"/>mais les archives d’Alexandrie s’étaient séparées et étaient devenue une organisation<br class="calibre4"/>propre prête à héberger tout ce qui embarassait les USA. Ce gosse — dont le pseudo<br class="calibre4"/>était Kameraspie — n’avait envoyé une vidéo encore meilleure, cette fois. Ca se passait<br class="calibre4"/>au portail de la mairie au Centre Civique, un grand bâtiment en forme de gâteau de<br class="calibre4"/>mariage, couvert de statues dans des petites alcôves, de dorures, de feuilles d’arbre<br class="calibre4"/>et de moulures. Le DSI avait un périmètre de sécurité autour du bâtiment, et la vidéo<br class="calibre4"/>de Kameraspie offrait une excellente vue de leur poste de garde, quand un type en<br class="calibre4"/>uniforme d’officier s’est approché, a présenté sa carte d’identité et a posé sa<br class="calibre4"/>serviette sur le tapis roulant du portique à rayons X.<br class="calibre4"/>Tout s’est bien passé jusqu’à ce que l’un des gens du DSI voie quelque chose qu’il<br class="calibre4"/>n’aimait pas dans l’imagerie à rayons X. Il a interrogé le Général, qui a levé les<br class="calibre4"/>yeux au ciel et a dit quelque chose d’inaudible (la vidéo était prise depuis l’autre<br class="calibre4"/>côté de la rue, apparemment avec un téléobjectif camouflé fait maison, de sorte que<br class="calibre4"/>la bande son enregistrait surtout les gens qui marchaient et les bruits de la<br class="calibre4"/>circulation).<br class="calibre4"/>Le Général et les types du DSI se sont lancés dans une discussion animée, et plus<br class="calibre4"/>ils argumentaient, plus nombreux étaient les agents du DSI aglutinés autours d’eux.<br class="calibre4"/>A la fin, le Général a secoué la tête avec agacement, a pointé son doigt sur la<br class="calibre4"/>poitrine du type du DSI, a ramassé sa serviette et a commencé à s’éloigner.<br class="calibre4"/>Les types du DSI lui ont hurlé dessus, mais il n’a pas ralenti. Son attitude<br class="calibre4"/>communiquait qu’il était complètement, totalement exaspéré.<br class="calibre4"/>Et c’est arrivé. Les agents du DSI ont couru après le Général. Kameraspie a ralenti<br class="calibre4"/>sa vidéo à partir de ce moment, pour que nous puissions bien voir, image par image<br class="calibre4"/>en slow-motion, le général se retournant à moitié, son expression de visage quelque<br class="calibre4"/>chose comme « jamais vous n’oserez me plaquer au sol », puis se muant en horreur<br class="calibre4"/>lorsque trois gardes géants du DSI lui sont rentrés dedans, l’ont propulsé de<br class="calibre4"/>travers, puis l’ont aggripé à mi-corps, comme une prise de rugby qui vous bousille<br class="calibre4"/>une carrière. Le Général — entre deux âges, cheveux gris acier, visage marqué et<br class="calibre4"/>digne — s’est écroulé comme un sac de pommes de terre, a rebondi deux fois, son<br class="calibre4"/>visage a frappé le trottoir et le sang a jailli de son nez.<br class="calibre4"/>Le DSI a ligoté le général, lui ficelant les chevilles et les poignets. Le Général<br class="calibre4"/>criait maintenant, il hurlait littéralement, son visage cramoisi sous le sang qui<br class="calibre4"/>coulait à flots de son nez. Ses jambes se sont convulsées dans le champs étroit de<br class="calibre4"/>la caméra. Les passants regardaient ce type dans son uniforme, qui se faisait<br class="calibre4"/>garoter, et l’on voyait sur son visage que c’était là le pire, cette humiliation<br class="calibre4"/>rituelle, cette dignité arrachée. Le clip s’est achevé.<br class="calibre4"/>« Oh mon cher tendre Bouddha », ai-je murmuré comme l’écran fondait au noir, en<br class="calibre4"/>relançant la vidéo. J’ai fait un signe de tête à Ange et lui ai montré le clip.<br class="calibre4"/>Elle a regardé sans un mot, la mâchoire pendant jusqu’à sa poitrine.<br class="calibre4"/>« Poste ça » a-t-elle dit. « Poste ça poste ça poste ça poste ça poste ça !!! »<br class="calibre4"/>Je l’ai publié. J’arrivais à peine à taper quand j’ai écrit mon billet, décrivant<br class="calibre4"/>ce que j’avais vu, ajoutant une note pour demander si quelqu’un pourrait identifier<br class="calibre4"/>le militaire sur la vidéo, au cas où quelqu’un saurait quelque chose à ce propos.<br class="calibre4"/>J’ai cliqué pour publier.<br class="calibre4"/>Nous avons regardé la vidéo. Nous l’avons regardée encore. Mon e-mail a sonné.<br class="calibre4"/>> J’ai positivement identifié ton gars — tu peux trouver sa bio sur Wikipédia.<br class="calibre4"/>> C’est le général Claude Geist. Il commandait la mission interarme de maintien<br class="calibre4"/>> de la paix sous l’égide de l’ONU à Haïti.<br class="calibre4"/>J’ai vérifié la biographie. Il y avait une photographie du général à une conférence<br class="calibre4"/>de presse, et des notes sur son rôle dans la difficile mission à Haïti. C’était<br class="calibre4"/>clairement la même personne. J’ai mis le billet de blog à jour.<br class="calibre4"/>En théorie, c’était l’occasion pour Ange et moi de nous faire des câlins, mais ce<br class="calibre4"/>n’est pas ce que nous avons finalement fait. Nous avons parcouru les blogs du Xnet,<br class="calibre4"/>à la recherche d’autres témoignages où le DSI fouillait des gens, les brutalisait,<br class="calibre4"/>violait leur intimité. C’était un travaille familier, la même chose que j’avais faite<br class="calibre4"/>avec tous les enregistrements et les témoignages des émeutes dans le parc.<br class="calibre4"/>J’ai créé une nouvelle catégorie dans mon blog pour ça, AbusDAutorite, et j’ai<br class="calibre4"/>commencé à les catégoriser. Ange me fournissait constamment de nouveaux termes de<br class="calibre4"/>recherche à essayer et quand sa mère est rentrée, ma nouvelle catégorie avait<br class="calibre4"/>soixante-dix billets, dont la Une était constituée par l’arrestation du général<br class="calibre4"/>Geist à la Mairie.</p>
<p class="calibre2">J’ai travaillé tout le lendemain à mon papier sur les Best, en lisant Kerouac et<br class="calibre4"/>en surfant sur Xnet. J’avais prévu de retrouver Ange à l’école, mais j’avais la<br class="calibre4"/>pétoche à l’idée de retomber sur Van, alors je lui ai envoyé un SMS d’excuses pour<br class="calibre4"/>lui dire que je travaillais à mon rapport.<br class="calibre4"/>Toutes sortes d’excellentes suggestions pour AbusdAutorite arrivaient; des centaines,<br class="calibre4"/>petites et grands, photographiques ou audio. Le même se répendait. Il s’est répendu.<br class="calibre4"/>Le lendemain matin il y en avait encore plus. Quelqu’un a commencé un nouveau blog<br class="calibre4"/>intitulé AbusdAutorite qui en récoltait des centaines d’autres. Le dossier<br class="calibre4"/>s’épaississait. Nous étions en compétition pour les histoires les plus juteuses, les<br class="calibre4"/>photos les plus démentes.<br class="calibre4"/>L’accord avec mes parents prévoyait que je mangerais le petit déjeuner avec eux chaque<br class="calibre4"/>matin et que je leur parlerais de mes projets. Ils appréciaient que je lise Kerouac.<br class="calibre4"/>Ca avait été l’un de leurs livres préférés et il se trouvait qu’il y en avait une<br class="calibre4"/>édition dans la bibliothèque de la chambre de mes parents. Mon père l’a descendue<br class="calibre4"/>et je l’ai feuilletée. Il y avait des passages marqués au crayon, des pages cornées,<br class="calibre4"/>des notes dans la marge. Mon père avait vraiment adoré ce livre. Ca m’a rappelé des<br class="calibre4"/>temps meilleurs, quand mon père et moi pouvions discuter cinq minutes sans nous mettre<br class="calibre4"/>à hurler à propos du terrorisme, et nous avons passé un excellent petit déjeuner<br class="calibre4"/>à parler de la façon dont le roman était construit, et de toutes les aventures étranges.<br class="calibre4"/>Mais le lendemain matin, au petit déjeuner, ils étaient tous les deux collés à la radio.<br class="calibre4"/>« Abus d’Autorité — c’est la dernière mode sur le célèbre réseau Xnet de San Francisco,<br class="calibre4"/>et cela a capté l’attention du monde entier. Surnommé AdA, le mouvement est constitué de<br class="calibre4"/>“petits frères” qui surveillent les mesures anti-terroristes du Département de la<br class="calibre4"/>Sécurité Intérieure, en en relevant les échecs et les excès. Son cri de raliement est<br class="calibre4"/>une vidéo à la popularité virale où le général Claude Geist, un général trois-étoiles<br class="calibre4"/>à la retraite, se fait plaquer au sol par des officiers du DSI sur le trottoir devant<br class="calibre4"/>la mairie. Geist n’a pas fait de déclaration conernant cet incident, mais les commentaires<br class="calibre4"/>de jeunes agacés par la façon dont ils sont eux-mêmes traités ne se sont pas fait attendre<br class="calibre4"/>et sont furieux. »<br class="calibre4"/>« Le plus remarquable est l’attention mondiale qu’a reçu le mouvement. Des extraits de la<br class="calibre4"/>vidéo de Geist sont apparus en première page des journaux coréens, britanniques, allemands,<br class="calibre4"/>égyptiens et japonais, et les émissions du monde entier ont diffusé le clip aux heures de<br class="calibre4"/>grande audience. Le sujet a trouvé un souffle nouveau hier soir, lorsque le programme<br class="calibre4"/>d’actualités du soir de la British Broadcasting Corporation a passé un reportage spécial<br class="calibre4"/>sur le fait qu’aucune station ou agence de presse américaine n’avait rapporté l’incident.<br class="calibre4"/>Les commentaires sur le site de la BBC notent que la version de BBC Amérique n’a pas<br class="calibre4"/>non plus traité le sujet. »<br class="calibre4"/>Ils ont ensuite introduit quelques entretiens : des critiques de médias britaniques, un<br class="calibre4"/>gamin du Parti Pirate suédois qui a fait des remarques moqueuses sur la corruption de la<br class="calibre4"/>presse américaine, et un journaliste américain à la retraite vivant à Tokyo, et on ensuite<br class="calibre4"/>passé un court extrait d’Al-Jazeera, qui comparait les performances de la presse américain<br class="calibre4"/>et celles des médias d’informations en Syrie.<br class="calibre4"/>J’ai senti mes parents me scruter, qu’ils savaient ce que je fabriquais. Mais quand j’ai<br class="calibre4"/>débarassé mon assiette, j’ai vu qu’ils s’entre-regardaient. Mon père tenait sa tasse de<br class="calibre4"/>café tellement fort que ses mains tremblaient. Ma mère le contemplait.<br class="calibre4"/>« Ils essayent de nous discréditer », a finalement dit mon père. « Ils essayent de<br class="calibre4"/>saboter les efforts pour nous garder en sécurité. »<br class="calibre4"/>J’ai ouvert la bouche, mais ma mère m’a regardé dans les yeux et a secoué la tête. Je suis<br class="calibre4"/>donc monté dans ma chambre pour travailler à mon papier sur Kerouac. Quand j’ai eu entendu<br class="calibre4"/>la porte claquer deux fois, j’ai démaré ma Xbox et je me suis connecté au réseau.<br class="calibre4"/>> Salut M1k3y. Ici Colin Brown. Je suis producteur au programme<br class="calibre4"/>> d’information The National à la Canadian Broadcasting Corporation.<br class="calibre4"/>> Nous sommes en train de préparer un reportage sur le Xnet et nous<br class="calibre4"/>> avons envoyé un journaliste à San Francisco pour couvrir le sujet<br class="calibre4"/>> depuis là-bas. Est-ce que vous seriez intéressé à nous offrir une<br class="calibre4"/>> interview pour discuter de votre groupe et de ses activités ?<br class="calibre4"/>J’ai contemplé l’écran. Mon Dieu. Ils voulaient m’interviewer à propos de « mon groupe » ?<br class="calibre4"/>> Hum, non merci.<br class="calibre4"/>> Je préfère garder mon intimité. Et ce n’est pas “mon groupe”. Mais<br class="calibre4"/>> merci de faire ce reportage !<br class="calibre4"/>Une minute plus tard, un autre e-mail.<br class="calibre4"/>> Nous pouvons vous masquer et assurer votre anonymité.<br class="calibre4"/>> Vous vous doutez que le Département de la Sécurité Intérieure sera ravi<br class="calibre4"/>> de nous faire rencontrer son propre porte-parole. J’aimerais avoir<br class="calibre4"/>> votre version de l’histoire.<br class="calibre4"/>J’ai classé le e-mail. Il avait raison, mais j’aurais été fou de me prêter au jeu. Pour<br class="calibre4"/>ce que j’en savais, c’était un agent du DSI. J’ai lu un peu plus de Kerouac. Un autre<br class="calibre4"/>mail est arrivé. Même requête, mais une autre agence d’informations: KQED voulait me<br class="calibre4"/>rencontrer et enregistrer une interview pour la radio. Une station au Brézil. L’Australian<br class="calibre4"/>Broadcasting Corporation. Deutsche Welle. Toute la journée, les invitations de la presse sont<br class="calibre4"/>tombées. Toute la journée, je les ai déclinées poliment. Je n’ai pas beaucoup avancé dans<br class="calibre4"/>Kerouac ce jour-là.</p>
<p class="calibre2">« Tiens une conférence de presse » c’est ce qu’a dit Ange, comme nous étions assis à un<br class="calibre4"/>café près de chez elle ce soir-là. Je n’avais plus tellement envie de me rapprocher de<br class="calibre4"/>son école pour me retrouver coincé dans un bus avec Van.<br class="calibre4"/>« Quoi ? Tu es cinglée ? »<br class="calibre4"/>« Tu n’as qu’à le faire dans Pillage Mécanique. Juste, choisis un comptoir où on n’autorise<br class="calibre4"/>pas le PvP, et donne-leur une heure. Tu peux te connecter depuis ici. »<br class="calibre4"/>Le PvP, c’est le « Player-versus-Player », le combat entre joueurs. Certaines portions de<br class="calibre4"/>Pillage Mécanique sont des zones neutres, ce qui implique qu’on pourrait en théorie y<br class="calibre4"/>emmener une tonne de bleus de reporters sans avoir peur que des gamers les exterminent au<br class="calibre4"/>beau milieu de la conférence de presse.<br class="calibre4"/>« Je ne sais pas la première chose sur les conférences de presse »<br class="calibre4"/>« Oh, cherche sur Google. Je suis sûre que quelqu’un aura écrit un article sur comment<br class="calibre4"/>tenir une conférence de presse réussie. Franchement, si notre Président peut y arriver,<br class="calibre4"/>je suis sûre que toi aussi. Il a l’air d’à peine savoir nouer ses lacets sans aide. »<br class="calibre4"/>Nous avons commandé un rab de café.<br class="calibre4"/>« Vous êtes une femme très intelligente », ai-je fait.<br class="calibre4"/>« Et je suis belle, avec ça », a-t-elle répondu.<br class="calibre4"/>« Oui, il y a ça aussi ».</p>
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